Brouillard et Fantaisie #2
Le brouillard était lourd et épais, toujours se mélangeant à la fumée des cigarettes de James qu’il grillait les unes après les autres. L’air était humide et poisseux, pareil aux soirées d’été irrespirables et sans vent. Une atmosphère orageuse mais sans grondement. James était planté au milieu de nul part. En lui tout était sec. Il se sentait desséché, creusé. Après quelques pas dans le vide, il trouva des escaliers. Il s’installa, ne songeant à rien. Son esprit était comme le temps, gris et lourd, comme lorsque l’on boit un coup de trop quand il fait chaud. Derrière lui se dressait, haute et déformée, une église ou une chapelle – difficile d’y voir clair dans ce brouillard. James reconnaissait les lourdes portes en bois aujourd’hui fermé. Il imaginait l’intérieur de celle-ci avec cette atmosphère, ce brouillard quasi londonien qui – à n’en pas douter – serait du plus bel effet dans cette bâtisse. Levant la tête vers le ciel, il aperçu une grosse gargouille cauchemardesque. Sa gueule, ses yeux et ses griffes, ressemblaient à un hibou sans plumage. Un étrange liquide suintait de cette gargouille et quelques gouttes tombaient au sol, non loin de James. Elles creusaient la pierre. Un acide qui générait un léger filet de fumée. C’est alors que James vit, trônant sur le monstre, les mêmes êtres qu’en terrasses. Les petits mannequins décharnés qui ricanaient tout en le regardant. Ils buvaient l’acide et rotaient bruyamment tout en faisant des bulles. James baissa la tête, il ne voulait pas être vu mais son dos lui faisait sentir le poids des regards sur son échine courbée. Lui, le pauvre chien paumé dans la brume, sans réelle volonté d’avancer. Pourvu que la fumée m’absorbe complètement – pensait-il – faite que je disparaisse. James avait beau tournait le dos, les rires et les gloussements de ces sales bêtes étaient contre lui. Pourquoi ce moquer, rire de sa posture ou montrer du doigt la fumée qui l’entourait ? Chaque monstre tentait de cracher quelques gouttes corrosives dans sa direction. Alors il se leva et fit quelques pas vers l’avant. Hors de question de leur faire face. James commença par avoir la chair de poule puis il serra ses poings. Ses lèvres pincées appuyaient fortement sur le filtre de la cigarette. Il aurait tant voulu hurler mais c’était impossible. Les rires des êtres déclenchaient chez lui une réaction épidermique. Toutes ses cellules lui disait « retourne toi putain, vas y ! » – mais non. James fumait de rage et nous savons à quel point la rage enfume les êtres. Il s’écarta des marches tandis que les piaillements et gloussements étaient de plus en plus forts. La gargouille elle même riait si fort que la pierre s’effritait. Elle gueulait à tout rompre au point de se décomposer et les carcasses de fils de fer qui s’y tenaient, tombaient au sol tout en affichant un large sourire dément. Une folie de plus. Une nouvelle fantaisie du brouillard ou la réalité de ce monde ? Un univers dans lequel il faut se déchirer les joues pour montrer que l’on existe. James avait les lèvres fermées depuis bien longtemps et peut importe ce qu’il pouvait subir, il comptais bien les garder ainsi. Ou peut être avait-il tout simplement peur de rire car sait-on jamais ce qui pourrait en sortir…
Gilberte Garni
Un très beau texte , qui démarre fort …ambiance quand tu nous tiens , dommage qu’il soit si court …la veine est corrosive et c’est tant mieux !