James & Cie - Les écarts

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Les écarts, Les écarts de Vulture

Chute du nid

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Chute du nid

Dans un monde où tout va très vite, moi, l’oiseau de mauvais augure en devenir, vous jette une histoire. Dans un règne animal, comme beaucoup, je me voyais royal – aigle de surcroît – mais c’est dans les airs, là où l’on ne peut aller, qu’est restée l’illusion de l’envol. Comme beaucoup d’oiseaux, mon nid, ma société, m’entouraient jusqu’aux jours où quelques vents déchaînés coupèrent les bois à peine fixés.

Vint la chute, vint le fracas, vint mon effeuillage me laissant sur les arrêtes de rocs d’un univers stérile. Sans-plumes et les serres commençant à s’assécher, mon corps dodu d’autrefois se recroqueville pour rentrer en lui-même et se transforme en cette tige sèche et frêle. Ce qui pourrait être mes ongles se vident de toute ivoire et donnent à voir de longues et fines demi-lunes qui s’effritent et se déforment. Mon bec plein perd toute substance jusqu’à l’os, mes cheveux deviennent une paillasse où milles sorcières crachent leurs sorts et s’essuient les pieds. Je suis – ou commence à être – cette horreur des contes, ce monstre tapis dans l’obscurité, cette être qui ne supporte plus ni le son, ni les autres, ni les mondes…

Dans la solitude de ma marche suivant ma chute, j’ai cultivé par masochisme les fleurs d’un mal qu’autrui peut voir. Il est bon et peut se justifier car – oui – je suis un bon jardinier. Je m’arrose régulièrement pour accroître un bonheur inavouable : un ressenti qui ment, paraîtrait il ? Mais qui le décréta menteur ou mieux encore : en quoi le ressentiment me mentirait-il ? Ce vieux mal, cet adorable bougre qui fait mes quelques kilos car c’est ainsi qu’il me supporte : en poids. En unité ou à la pesée, peu importe, il s’alourdit jusqu’à cancériser l’agonie saisie par mes pupilles. Imaginez-vous donc les kilomètres à vol d’oiseau que j’ai parcouru ! Toutes ces bornes d’aigle à fixer, œil en terre, qui m’ont fait passer du commun rapace au vautour ! Le dernier stade, grade, de la chaîne des ailés ! A peine relevé et à peine en état de marche, me voici déjà charognard du rien : du vide… car, oui, il n’y a rien…

J’ai su voler, même à contre courant, et maintenant j’apprends à tomber puis me relever pour ensuite rouler puis me courber : tant de positions et d’attitudes qui sont inconnues pour le volant.

Je m’affole, je délire, je marche vers un horizon où j’espère retrouver quelques branches m’aidant à nidifier. Mon jardin intérieur se fane et éclot sans relâche, arrosé par des sensations et détruit par ma raison. Plus le temps passe, plus le vide s’installe : lui, le sans-limite, devient une mesure calculée par mes yeux haineux qui ne peuvent plus s’écarquiller en cercle curieux et avide de savoir. Tout s’assèche, tout se rétrécit. Une anorexie mentale trouve sa place et me partage entre l’envie de m’épaissir ou le désir de m’atrophier davantage. Je divague, mon bec racle les roches, j’escalade les montagnes de mon crâne vide pour trouver une sortie : au loin j’aperçois une ville…

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