Dans l’attente d’une prochaine nuit
Dans un monde où l’hiver se maintient, James – l’inévitable errant – se plaisait à fréquenter les endroits chauds.
Loin de briser ses habitudes, il s’était accoudé au bar tout en observant les chaleurs dégagées par quelques chaloupés lascifs et suggestifs. Ici se trouvent plusieurs pistes : entre celles sans crainte de l’abandon et les autres dissimulant certains feux secrets ou des glaçons peinant à se faire biser. James reluque et observe tout en se questionnant sur le dessein de cette baignade car au cœur de la marée humaine : qui choisira l’action sans contrainte ou la démonstration sociale, bête et simple ? Pensif, un élan trouble sa réflexion. Une main douce et vernie s’installe tout près de lui. Quelque chose s’en dégage : une sensation, une chaleur, une pulsion qui soulève un cœur battant. James ressent son sentiment d’être pris lentement ou de se laisser délicatement surprendre par un mouvement vif. Sans geste et quasi absent, il efface sa frêle présence dans l’espoir que cette voisine va réagir. Le temps de lever son verre, James aperçoit un bout de papier laissé là, déposé et déformé par l’humidité ambiante : « Demain. Pas ce soir : pas ici… ».
Un message ouvrant les possibles… De quoi demain sera fait ? Qu’y a-t-il à cacher dans cette soirée ? Satisfaction immédiate contre plaisir retardé ? James décide de quitter la nuit pour aller se coucher.
Le lendemain – proche de la soirée – à l’heure où les survivants des veilles sentent leur appétit renaître, James se prépare à l’éventualité d’une nouvelle aventure. Poursuivit par plusieurs fantasmes seulement autorisés dans quelques recoins sombres et tardifs, il imagine sa conquête : celle qui, hier soir, suggérait un autre « ici ». Nerveux, curieux et impatient, James marche vers ce bar où les amants nocturnes se font et se défont. Assis à une table, un long couloir lui sert d’observatoire sur la porte devenue le rideau des entrées et sorties des galantes charmées ou dubitatives.
Soudain, l’éclat d’une femme comparable à nulle autre ébloui l’assistance. Elle marche en ne sachant que trop l’effet qu’elle produit : voluptueuse et accentuant son goût pour la chair par le rouge d’une tenue méticuleusement préparée, elle dresse des courbes infinies surélevées par ses talons aiguilles : que l’on peine à prendre pour de simples artifices. Sensuelle, elle relève délicatement sa jupe pour s’asseoir en face de James : ne manquant pas d’exécuter un charnel jeu de jambes qui donne à l’œil toute la rondeur et fermeté de ses hanches. D’un regard qui en dit long sur le film que James a en tête, il ne dit rien et poursuit son observation.
L’envoûteuse au teint halé présente une peau qui, effleurée, dégage ce chaud parfum d’envies assumées. Ces lèvres pulpeuses ont le goût d’une mer avide et déchaînée engloutissant les hommes tentant de les dompter. Une crinière sauvage court jusqu’au milieu de son dos comme un enchevêtrement végétal cachant les trésors d’une nuque sensible : d’une peau sans marque manquante de quelques griffes. Son décolleté laisse entrevoir la géométrie de deux seins complices se touchant l’un l’autre : dessinant le creuset des malices enivrantes à entreprendre.
James continue d’user de son œil-télescope pour lire les actions voulant être assouvies. Grisé par l’érotisme de chaque geste laissant naître la perceptive d’une incandescente indécence, il l’entraîne vers une piste de danse où les désirs tuent la parole. Ensemble, à peine à quelques centimètres l’un de l’autre, la sensibilité des corps se love transformant leurs bras en chaines dont on ne peut se défaire. Se laissant saisir à tour de rôle, les impulsions de leurs mains symbolisent des élans de plaisir où les caresses embrasent les heures à venir. Les visages se resserrent et leur étreinte est étouffante. Le souffle se communique par leurs bouches entre ouvertes d’où s’échappe l’ardeur d’un baiser dont l’imagination est la seule continuité. Chaque respiration est un appel aimanté attirant toutes les résistances à céder. Plus bas, se sont les mains, se sont les doigts qui serrent, attrapent et saisissent comme la traduction d’une langue dont tous les mots signifieraient : jouir. Le premier baiser s’échange enfin. Les lumières des dernières clartés de leurs esprits excités s’éteignent, laissant place à la pénombre et au mystère.
James tend l’oreille et entend : « Ce soir, oui… Mais partons d’ici… « .
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