Esquive
Tomber de haut, James avait à nouveau laissé son pied glisser. Chute, roulade et badaboum – comme disent les enfants – enroulé dans sa cape, le pauvre personnage roule et bousille la mousse jusqu’à se retrouver dans le vide, en pleine chute, au beau milieu de l’abîme.
Loin de la route, un néant existe. Un espace étrange, une dimension parallèle sombre et inconnue qui n’invite aucune aventure. Pourtant quand l’on s’y jette, une telle lumière jaillit. Un éclat aveuglant se fait sentir. Ainsi apparaissent des formes. Des corps étranges. Des natures indomptées. Des décors tissés de rêves et des objets abandonnés.
Loin de la route, un néant existe. Un monde fiévreux qui oscille entre le chaud et le froid. Des terres arides et glaciales surplombés de soleils et bercées de glaces. Les pics, les arrêtes, les montagnes, des pierres coupantes comme des crocs, des serres d’oiseaux qui se sont cassés les os.
Un néant existe, loin de la route. Le vide. L’absence de son. Un temps stérile où rien ne pousse et où hurlent les loups. Des fauves qui sautent de corniches en corniches. Des échines courbées et des âmes et qui se tordent sans s’offrir le moindre répit.
Un néant existe, loin de la route. Les bons sens se brisent contre des murs inconscients. Le sol craque et s’effondre pour vider des trous béants. Les êtres se meurent et rient jusqu’à l’étouffement. Les farandoles s’éclipsent, les feux s’éteignent, les civilités s’épuisent.
Existe un néant de la route au loin… Loin, la route d’un néant existe…. Sent le vent parcourir ta chair. Vite, dépêche toi James !
Reprenant conscience, James ouvre sa cape et lévite. Autour de lui les phrases tombent et s’empalent sur une nature faite de piques. Perçant à souhait, ils devaient être là pour ça. Les mots s’effondrent et se détruisent, l’encre coule et ne s’arrête plus. Ainsi était-il fait. Voilà un monde bien trop noirci. James, au milieu d’un vol plané horrifique esquive l’abîme.
Au loin, peut être, la ville…
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