James à travers l’hiver #6
Et le sol gronda. Au cœur des entrailles de la terre quelque chose remontait vers la surface. James sentait des vibrations sous ses pieds tandis que l’homme aux trois masque, terrifié, mettait les mains sur ses visages. Ses yeux imploraient le pardon mais il était trop tard… James avait libéré l’impensable.
Laissant les flammes de l’autel se mêlaient au feu de son bâton, la magie qui émanait de cette fusion était écrasante. Le poids du feu rendait l’objet si lourd que James avait du mal à le tenir. Il transpirait. L’effort était tel qu’il devait contracter chaque muscle de ses bras frêles. Les murs qui entouraient le trou de l’homme aux trois masques commençaient à se fissurer. Tout semblait perdu. Prêt à s’effondrer. Tentant le tout pour le tout dans cette atmosphère chaotique, James cria en direction de l’homme :
- Qu’est-ce qui se passe ?!
- Pauvre de nous James ! Hurla l’homme aux trois masques en direction de celui-ci. Tu as réveillé le cœur de l’hiver.
- Je n’ai rien fait !
- Tu ne t’en rends pas compte. Le feu que j’ai créé ne devait jamais entrer en contact avec un autre feu, l’ambition de quelqu’un d’autre. Nos volontés se mélangent, elles vont tout anéantir.
- J’ai pourtant fait ce qu’il fallait faire. J’ai cherché ce qui se cache à travers l’hiver, je t’ai trouvé, j’ai plongé mon bâton au cœur de la forge en pensant bien faire.
- Tu n’aurais jamais du suivre cette instruction…
- Qu’ai-je fais ?
- Puisque c’est ainsi James, nous allons devoir affronter l’éveil de cette terre. Prépare toi car je ne compte pas mourir ici.
- Comment cela ?
- L’hiver doit rester. Je dois reconstruire ce que j’ai commencé. Le monde restera figé.
- Je refuse ! J’ai quitté ce monde pour trouver une solution.
- Il n’y a plus personne James. Si l’hiver quitte se monde tu découvriras les ruines qu’il cache.
- Est-ce si terrible ?
Levant ses mains vers le ciel, l’homme aux trois masques semblait commander les racines qui grouillaient sous la surface de la terre. Alors que les roches éclataient, de sombres et longues racines se tordaient telles des serpents cherchant à mordre une proie. Les masques récitaient une incantation délirante mélangeant différentes langues et des extraits de textes de théâtre. Une cacophonie de répliques sortait de leurs bouches. Plus le texte était enflammé plus les racines dansaient et s’entremêlaient jusqu’à former des ronces si dures et épaisses qu’elles étaient impossible à pénétrer. Au milieu de ce chaos, James était immobile. Il pensait à sa fin. Etait-ce le bout du chemin ? Mourir ici, sous terre et entouré par la folie d’un survivant ; un artiste fou cherchant à retrouver la scène. Les racines et les ronces parcouraient son corps comme pour l’étouffer. Le sol de la salle se déchira laissant paraître un nid de monstruosités végétales, un mélange de poussières et autres minéraux. James était entrain d’abandonner. Il glissait vers la fin ; son arrêt. La lumière du bâton avait disparu, seul régnaient les ténèbres et les rires de l’homme aux trois masques. Le visage de James, ses bras et ses mains étaient écorchés. Toute la noirceur de la terre cherchait à s’emparer de son corps. L’agonie était présente mais quand son sang toucha son bâton, une force inattendue jaillit. Empoignant avec force et rage son bâton, il laissa sa colère l’envahirent et le feu brula, encore et encore, jusqu’à déchirer les ronces et les racines qui l’emprisonnaient. Il était entouré de flammes sombres qui calcinaient tout sur leur passage. Un pas après l’autre, James s’extirpa des racines. Face à l’homme aux trois masques, il brandit son bâton puis laissa éclater toute sa fureur. Un tourbillon de flamme s’éleva dans les airs, la lumière éclatante faisait reculer les racines. L’homme aux trois masques, stupéfait par se retournement de situation chercha à se cacher derrière elles. James hurlait et ses cris fusionnaient avec les flammes qui dansaient au dessus de lui. Le feu attaqua les racines. Certaines, totalement brulées, s’effondrait au sol. Rapidement, des cendres commencèrent à envahir l’air. Dans sa frénésie, James ne sentait plus rien.
- James ! Tu vas trop loin ! Arrête toi ! Cria l’homme aux trois masques.
Silencieux, James n’était plus là, il était absent. Son corps était figé, son esprit l’avait quitté, seul restait cette coquille pleine de colère prête à en découdre avec l’ennemie. L’homme aux trois masques sentait la chaleur des flammes qui s’approchait. Ses habits prirent feu tandis que James, toujours aveuglé face à la destruction, n’entendait pas les cris du misérable acteur. Proche de la fin, il faiblissait. Les masques étaient détruits. Quelques minutes plus tard, une carcasse fumante se tenait là où se trouvait l’acteur. Les flammes de James diminuèrent. Peu à peu il reprit ses esprits, contemplant un paysage proche de l’enfer. Une terre brûlées faite de braises. Observant son bâton, celui-ci était comme un morceau de bois mort. Faible et fragile. L’hiver était bel et bien fini. James retira sa cape et abandonna son bâton. Face à lui, se trouvaient le vide et un épais brouillard. Que faire ? Rester sur place ? Ou avancer ? Devait-il devenir le prochain hiver, un acteur du froid sans but et sans raison, prisonnier d’une illusion. Levant la tête au ciel, un flocon de neige amorçait sa lente descente puis il s’écrasa sur son nez. James ramassa sa cape car tôt ou tard, l’hiver reviendrait. Dans ce monde dominé par les saisons qui ont perdu leur raison, un être – aussi étrange soit-il – doit veiller.
Gilberte Garni
Beau texte , mise en mots habiles et émouvante d’un duel universel…bravo !