La crainte des crayons
Une fois de plus, James était sur une route. Alors qu’il se hisse pour prendre de la hauteur, les habitants de sa cape (les moustiques-crayons) s’agitent et volent au dessus de lui. « Doucement – dit James – que se passe t-il ? ». Sans même pencher leur mine vers la tête ahuri d’un James surpris, les insectes font des vas et viens et s’affolent. Au loin se trouve un bâtiment. C’est une école. Voilà donc pourquoi ces bêtes curieuses s’étaient réveillées, elles redoutaient ce lieu mais James, toujours aussi curieux, décida de provoquer le sort et de continuer son chemin vers l’école. Quelques pas suffirent pour que les moustiques-crayons s’énervent autour de lui. Ils foncent, essayent de le ralentir, piquent ou se glissent sous sa cape pour le chatouiller mais rien n’y fait. James veut comprendre leur peur. « Arrêtez de vous énerver ! Nous sommes amis maintenant, non ? Vous avez promis de rester sage… » – dit James, sur un ton moralisateur mais il était trop tard. A quelques mètres de l’école et contre toute attente, l’un des moustiques-crayons plongea et s’enfonça si profondément qu’il perça, la main de James mais aussi la roche en dessous de celle-ci. Devenu un pieu, l’animal se tortillait comme un diable et James saigné abondamment. La douleur était vive, si intense, que notre pauvre personnage faillit tomber dans les pommes. Sur la roche, de longs filets rouges vifs coulent et dessinent des rivières telles des veines sous la peau. « Pourquoi ? – Cria James – Pourquoi me faire du mal, qu’ai-je fais ? ». C’est alors que les autres insectes foncèrent vers l’école. Avec une vitesse extraordinaire, il s’enfonçait à travers les murs pour éclater cette misérable ruine. Sous les yeux de James, le bâtiment s’effondre et c’est à cet instant qu’il comprit.
Il fut un temps où lui aussi avait haï ce lieu. Les années d’un enfant collé sur des chaises en bois et sur des tables trop carrées où l’encre des pots a séché. Nul besoin de vous dire que James n’était pas scolaire mais plutôt tête en l’air. Pourtant, sa plume écrivait même si l’on disait de lui « n’est pas là, même quand il est là », des remarques incisives qui marquent et qui jouent sur l’au-delà. Par chance, il n’était pas seul et l’incompris avait trouver logis dans les troues de son esprit. Accablé dans un système rigide, le crayon remplissait le vide autour de lui. C’est alors qu’il les a imaginé comme des êtres libres. Des créatures extraordinaires capables de voler, d’écrire, d’inventer et de créer mais malheureusement, la rêverie était trop faible et le réel bien trop fort. A peine avait-il levé son crayon que le savoir venait courber sa mine et briser les traits d’ébauches d’un personnage qui se cognait dans les recoins de sa tête. Pas étonnant que les volants ne veuillent plus s’y promener. Pas surprenant qu’ils se réveillent pour affirmer leur liberté.
La douleur de James s’estompa peu à peu tandis que ses amis revenaient vers lui. Ils étaient calmes et tranquilles. Tristement, James posa son autre main sur le crayon qui lui avait fait mal et d’un coup sec, il le cassa. Son sang avait nourri la pierre mêlée à un crayon qui gisait en terre. Allez savoir ce qui naitra de cette douleur ? Au loin, peut être, la ville…
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