La surprise du coup de pied
Dans la grisaille du monde, un soleil rouge se couche sur les rochers, laissant pour seule impression un décor carmin. La pierre grise si familière devient volcanique et James laisse ses pompes cramées.
Perdu dans les sentiers qui ne mènent nul part, James en avait plein le dos. Stop ! C’est bon, ça suffit ! Rideau ! Ce serait si simple de quitter la scène ici et maintenant, sans dire un mot mais tout le monde sait que le réel ne fonctionne pas comme on le souhaiterait. Dans son retour vers la ville, il s’était à nouveau perdu. « Fatalité » diront certains, « problème d’orientation » diront les autres – peut importe – il était paumé. Pourtant, il avait vu les bords d’une ville, un terrain de jeu nouveau, un monde à découvrir et à conquérir mais ses pas, volontairement ou non, l’avaient éloigné. Là réside le problème du flâneur, la proportion de son appétit au détournement par le moindre petit sentier, les faux-fuyants, qui se tortillent et qui deviennent tentants. Loin de tout, proche de rien et vêtu de sa cape, il rageait en lui même d’être l’architecte de sa propre indécision. Foulant le sol d’un pas lourd et volontaire, il expira un grand coup, s’arrêta net et mis toute sa force dans un violent coup de pied sur un rocher qui lui faisait face. Rien. Même pas une égratignure. Il n’avait pas la force de retrouver sa route et encore moins celle d’exprimer sa colère. Alors, il recommença, encore et encore, jusqu’à ce que l’obstacle craque et se fissure sous ses yeux. Satisfait de son caprice, il retira son pied du rocher. Soudain, tout proche, un bruit se fît entendre comme une biscotte que l’on aurait broyé à main nue. Au sol des crevasses apparaissent qui libèrent des volants que James ne connaît que trop bien. Sortes d’insectes moustiques-crayons, quelques nuisibles virevoltent autours de sa tête. Prêt à se défendre, la cape réagit comme un bouclier et les bêtes cassent leurs mines à son contact. « Ha ! – dit James d’un air narquois – vous faîtes moins les malins ! ». Les moustiques désireux de lui piquer l’encre de sa peau se concertent et s’inclinent face à la protection de James. « Mais j’y pense, vous venez de bien loin ? D’en dessous ? », demanda James aux insectes qui bougeaient leurs têtes péniblement. Il avait compris que son coup de pied, à priori sans effet, avait réveillé les tréfonds de son habitat. Un peu flippé – car il ignorait beaucoup des créatures du dessous – il espérait qu’aucune autre surprise allait surgir des crevasses. Soudain, il eut une brillante idée, il pris sa voix la plus douce et face aux moustiques-crayons, il dit :
« Puisque je ne vous ai jamais apprécié depuis votre création car vous avez une légère tendance à m’embêter été comme hiver en me tournoyant autours pour me piquer, m’assécher, réveiller mon ulcère, voler autour de mon verre et me rappeler que je n’écris pas assez, je vous propose un marché. Accompagnez moi jusqu’à la ville la plus proche, guidez mes pas. En échange vous aurez le droit de rester à mes côtés, à l’abri dans ma cape le temps que vos mines repoussent. Qui sait, grâce à vous, si nous nous lions d’amitié peut être que j’écrirais plus vite. ».
Après plusieurs bruissements d’ailes et « Bzzz… Bzzz » aux oreilles de James, les insectes ont prit leur décision. Sagement, ils volèrent jusqu’à la poche de James pour s’y loger. Une fois à l’intérieur les moustiques-crayons semblaient parfaitement inoffensifs à tel point que James était tenté d’en saisir un pour griffonner quelques mots sur la pierre. Décidé à reprendre sa route, il gravit le rocher. Il faisait nuit et quelque chose brillait au loin. Qu’est ce donc ? En se retournant, le paysage rocheux lui parut lugubre et oppressant, il espérait sincèrement que sa colère n’avait pas réveillé quelque chose de pire que les insectes des abysses.
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