L’étrange chemin
Vêtu de sa cape, James était sortit de son logement pour aller vers la ville. Loin derrière lui, ses quatre murs lui semblaient minuscules comme un terrier où un rongeur se serait planqué. Il s’était habillé et avait la sensation d’être un « autre », paré d’un costume qui le rendait plus agile et plus vif. La route était dangereuse. Il l’avait abandonné depuis longtemps et les chemins sinueux d’autre fois n’étaient plus familiers. Faisant face à plusieurs routes, des embranchements, un paysage rocheux et des gravas qui s’étendent à perte de vue, James trifouille sa mémoire. A gauche ? A droite ? Par au dessus ou par en dessous ? – son orientation lui faisait défaut. Tout à coup, il vit un panneau, fait de quelques bouts de bois, qui lui rappela qu’il avait fléché ses expéditions passées mais malheureusement, la pluie et le mauvais temps, avaient effacé son écriture. James devait repartir de zéro. Il lui fallait se souvenir : comment s’écarter pour atteindre la ville ? Le ciel était gris, sa cape lui tenait chaud, un air humide lui faisait sentir un orage proche. Il arrêta de réfléchir puis il prit le premier chemin qui s’offrait à lui.
James observe la route. De mauvaises herbes occupent les lieux. La pierre s’était effritée. Des troues s’étaient logés un peu partout. Tout bon marcheur qu’il est, il savait qu’il n’arpentait pas un long fleuve tranquille. Suis-je resté si longtemps enfermé au point d’oublier tous mes chemins ? Pensa t-il. Où sont passés mes réflexes, mon souffle, mon plaisir ? A force de cogiter, il pris conscience qu’il avait négligé son goût pour la marche. Il était resté assis ou couché trop longtemps, perdu dans ses limbes tout en cherchant désespérément des réponses à ses questions. Le souffle lui manque mais il est hors de question de rebrousser chemin. Il doit se perdre et continuer d’avancer si il veut revenir là où tout à commencer – et où tout recommencera. L’air se charge d’électricité. La nuit tombe et l’orage grogne au loin. Sa cape bouge d’elle même et frisonne comme pour le prévenir d’un danger qui le guette. James ignore si elle possède une telle propriété mais il lui fait confiance – après tout, elle lui avait permis de voler. Quelques mètres plus loin, il distingue une personne encapuchonnée vêtue d’une longue et sombre tunique tenant un bâton dans sa main. James se met à l’abri et se cache dans le renfoncement d’une paroi. La chose bouge lentement et respire avec peine. Elle est en mauvais état, proche du dernier souffle. Comptant sur sa rapidité pour fuir si la situation tournait mal, il décide d’approcher pour l’observer de plus près.
A pas de loup, il avance prudemment quand tout à coup le craquement d’une brindille sous son pied fait sursauter la créature. Elle lève doucement son bras en direction de James et le pointe du doigt. Il s’arrête et ne respire plus, comme les enfants qui pensent arrêter les cauchemars ou devenir invisible quand ils se figent. La chose ouvre ses yeux, deux grands globes jaunes et luisants et ahuris fixent James. Il voudrait lui parler mais la peur l’envahie. Il regarde autour de lui et pense pouvoir escalader la roche pour fuir cette situation. Aussitôt pensé, aussitôt fait, la cape de James s’active et l’aide à bondir sur un grand et gros rocher. Il escalade la pierre telle une araignée, rapide comme l’éclair. Il se retourne et regarde en contrebas la créature qui, avec ses longs doigts frêles et griffus, essaye de le rejoindre mais c’est peine perdue. Arrivé au sommet et essoufflé, James admire l’horizon et voit au loin une ville. Elle semble si proche et si loin… Se remettant doucement de sa frayeur, il décide de faire une pause et tout en regardant le ciel s’alourdir et la terre connue ou méconnue qui s’offre à lui, il prend la plume et écrit.
« Pèlerin encapé que je suis, je me perd et je m’oublie sur les chemins de traverses et les raccourcis. Dans l’espoir d’y revenir, dans l’envie de retrouver un bitume cher à mon cœur me voici, pauvre, simple et naïf devinant dans la pénombre les risques, embuches et embuscades créées de toutes pièces par mon esprit. Demi teinte et vision, tel est le pouvoir du gris. Imagination contre terreur, peste soit des créatures et vermines disséminées dans l’unique but de ralentir. Tout en haut je te vois, toi la grande, l’illuminée, la cosmopolite, celle qui m’a offert l’asile de mes encres poétiques. Tu es la réalité et le mirage d’une naissance. Le ventre d’une petite bête innocente. Tu me noies dans tes bruits, ton pouvoir et ta soif insatisfaisante. J’y reviens, doucement mais surement. J’ignore ce qui m’attend. Je m’écarte, j’observe puis je disparais – moi vagabond, chien au vague à l’âme, pèlerin encapé que je suis. »
Telles étaient les quelques lignes griffonnées de James qui finir jetées en boule sur le sommet du rocher car il s’était levé pour continuer d’avancer.
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