On ne sait pas…
Dans un monde pieds et poings liés à une très mauvaise comédie, James – comme d’autres – trouvait le temps long. Les aiguilles des cadrans déclinent leurs cercles perpétuels, inlassablement, sans fatigue ni état d’âme tandis que l’on patiente. On regarde. On attend… Au théâtre ce que l’on nomme « un mauvais comique de répétition » est un effet théâtral, soit dans l’écriture même de la pièce ou dans une improvisation que l’on referait sans cesse et qui peinerait à se renouveler. Il s’agit d’un fait. D’une phrase ou d’une courte scène qui s’exécute une fois, deux fois, trois fois, quatre fois – ça fait long. Les premières fois, un sourire vous monte au lèvre puis à force de voir sans cesse la même chose, vivre la même chose, entendre la même chose, les lèvres se figent et se crispent sur votre visage tandis qu’une bulle façon BD, placée au dessus de votre tête, affiche la phrase suivante : « putain, c’est pas bientôt fini ! ». Aujourd’hui et de toute évidence, nous vivons l’un des plus atroces boulevards qui soit. Il n’y a rien de comique dans notre histoire et la troupe d’acteurs qui la sert laisse franchement a désiré. Ils devraient s’essayer à la politique – ce qui, au passage, demande de vraies compétences d’acteurs. En bref, James – comme beaucoup – avait trouvé la saison 1 extraordinaire et surprenante, la saison 2 très injuste et révélant des fossés déjà bien creusés – rien à redire – et la saison 3… Wait and see.
« And now what ? » comme dirais n’importe quel acteur d’une bonne série Netflix en VO. Réponse : « je ne sais pas. »… C’est LE fameux et malheureusement célèbre : mauvais comique de répétition. Cette simple petite phrase pourtant des plus banales pourrait – et sans doute sera – le titre d’un futur chef d’œuvre du septième art, une super production Netflix, une œuvre littéraire, une pièce de théâtre ou le qualificatif de toute une génération dont le symbole de lutte sur ses drapeaux de manifestants au vent sera, un gros point d’interrogation.
James ne sait pas… Il ne sait plus mais devrais t-il savoir ? Sait-il encore qu’il sait ? J’ignore si il sait qu’il sait sans le savoir… En clair, ca tourne en rond et les sens sont tous aussi multiples que les réponses sont nulles. James ignore… Ignorant qu’il est de ne plus vouloir savoir qu’il sait ou pire, si il sait qu’il ignore savoir. Etrange époque où toute logique s’échappe comme une anguille filante entre vos doigts. Cet instant est comme le nœud qui se trouve sur le lacet d’une chaussure de James. Vous voyez duquel je parle ? Le nœud sur lequel il y avait déjà un nœud. Celui qui nous empêche de nous déchausser correctement. Le nœud sur lequel on abandonne – faute d’ongles – car on ne sait pas par quel bout l’attaquer. Nous en sommes là. Nœuds après nœuds. Couche après couche. Quinzaine après quinzaine. Mois après mois. Jour après jour. Réveil automatique. Insomnies. Boulot. Marche. Dodo. Coup de fils. Mails. Faire ses courses. Finir la série. Commencer une nouvelle série. Revoir la série. Un nœud sur le nœud. Un autre puis un autre et encore un autre, jusqu’à ce qu’il n’y est plus de fils… Le nœud est devenu boule de tissus tendus, bandés avec force. Plus rien ne peut passer. Un paquet pareil aux nerfs qui nous habitent.
Alors… Qu’est-ce qu’on fait ? Voilà une bouteille à la mer sans rivage pour accoster. Une question vouée au naufrage au cœur d’une tempête d’actualités. Tous les jours un autre souffle, un nouveau vent, une nouvelle direction. Capitaine ! Oui moussaillon ? On dérive depuis combien de temps ? J’en sais rien James – dit-il tout en brisant le coup aux oiseaux censés nous indiquer la terre ferme. La boussole est tombée à l’eau depuis des lustres. On subit le temps. Les intempéries nous guident. Il fait froid, planquez vous ! Il fait chaud, lâchez vous ! Deux saisons. Deux temps. Deux mondes. Dans l’entre deux quelques fenêtres ouvertes pour respirer – encore que. Ce qui nous empêche d’avancer est lié au souffle, à l’air, à notre façon d’inspirer et d’expirer. Cruelle ironie car pour avancer en mer il faut que la voile se tende. Nous aurions besoin d’un vrai souffle. Une grande sortie. Une profonde inspiration pour expulser tout l’air contenu depuis presque un an. Les tempêtes font peurs et les cartographes son incapables de délimiter les contours des nouveaux mondes. Ici règnent quelques dragons comme dans les légendes maritimes et l’ont craint de découvrir que nous sommes bien peu de chose face à l’infiniment microscopique.
James ne sait pas… Alors pourquoi aller plus loin ? Si nous en restions là, ce serait facile… On s’oublie puis on disparaît… On s’arrête, telle une machine. On presse sur le bouton OFF… Mais non va falloir y aller ! Prendre la névrose à deux mains, dissoudre la déprime, péter les peurs et les craintes. Prendre le maillet et défoncer la porte, dire putain je sors ! J’y vais ! Je me remets en selle ! Prêt à affronter la jungle du monde. Les rapaces de toutes sortes et les fauves qui se curent déjà les dents à l’idée de te croquer les guibolles. Faudra marcher. Faudra être endurant. Faudra rire et se délester. Faudra être désirable et donner l’envie. Faudra se nourrir tout en nourrissant les autres. Va falloir se vendre. Va falloir te vendre pour revenir dans le rang. Les monarques te diront que c’est bien la marche à suivre. L’autorité te dira que c’est la guerre et que toute culpabilité est à proscrire. On devra jouer. On devra oublier. On devra pactiser avec le nouveau temps. Les nouvelles durées. Les journées à rallonges suivies des courtes nuits. Va falloir redorer le blason de la vie tandis que la mort la traque. James fera bonne figure. Il remettra le masque. Il s’époumonera et continuera le combat. Celui de l’ouverture du monde sur le monde. Celui de l’art. Celui du collectif qui s’enferme dans des salles noirs ou celui qui fera de la ville une scène ; un théâtre. Des tréteaux de béton sur lesquels les artistes frapperont du pied et feront des rages et des souffrances des rêves inoubliables. Il n’y aura rien de nouveau car le brasier était déjà là. Juste en manque d’allume feu pour embraser la voûte céleste des penseurs et des poètes d’hier et d’aujourd’hui.
Alors James… Et maintenant, on fait quoi ? Je ne sais pas mais pour sûre… on se prépare.
Leave a Reply