Orga-Coeur
Il est un muscle : une machine que l’on ne considère presque pas. Trop nombreux sont celles et ceux qui ne l’envisagent pas. « Confortable » reste cette position à le penser inactif, vide et sans impulsions pourtant : il est emplis. Compris ou non, nous parlons de nous – le nous quotidien – le nous dans ce qu’il a de plus charnel. Le corps – oui, lui – centre du tout et du rien, support ou matière dont le sang ne fait qu’un tour.
Loger dans une quelconque artère, James commence sa progression vers les vibrations organiques de celui qui pulse. A quatre pattes, il tente cette monté au contact visqueux des muqueuses et membranes qui salissent ses mains. Tentant de trouver l’accroche, les pulsations deviennent échos dans la souplesse des longs tubes qu’il arpente. Après quelques glissades, il arrive enfin dans l’antre : là où trône le calice rouge creusé d’où part l’intention.
C’est un cœur – ni petit, ni trop gros – assurément plein et se remémorant de tout : gardien des passages sanguins et sentimentaux. On dit qu’il est une pompe qui propulse, éjecte mais celui-ci semble renfermé, bloqué, prêt à déborder. James tente une ultime percée qui révèlerai le secret – le fameux trop plein – la valve soupape d’une mémoire entravée. Des cavités-entrées s’offrent à lui et c’est la plus large qu’il choisit. Glissant le long des parois, James chute puis manque de se noyer dans une mare rougeâtre, épaisse et blessée qui ne coagule pas. Flottant à la surface, il observe les peaux de cet intérieur-cœur ressemblantes à des vitraux soigneux mais effrités par trop de casse. Le son, les peines, les souvenirs, les joies, tout se lie dans ce liquide oracle. Au travers, l’onde donne les images d’un passé et d’avenirs prochains se dissipant seconde après seconde. Cherchant à saisir le sens des visions, James observe des éclats où se dessine des femmes, des nuits, des corps qui s’enlacent, des mains, des mensonges, des maux, des vérités, des bonheurs, des grâces, des désillusions, des débuts, des fins, des idolâtries, des déceptions, des faiblesses, des puissances, des amours, des passions…
Croulant sous le poids de ces choses, chaque image est agrémentée de paroles. Au cœur du brouhaha de cette petite pièce aux vitrines fragiles : la machine tient debout. De temps à autre, une pulsion vient dilater le verre des murs qui manque de craquer comme une chapelle où les cloches craquelleraient une pierre usée. Machine donc – oui et non – humain ou sujet sensible : c’est au cœur des hommes que résident des amnésies et les souvenirs chéris. Loin des consciences faciles, c’est dans de cette soupe fragile que tendent les passés et les avenirs d’entreprises légères ou gravissimes.
Ne souhaitant pas sonder les abysses, James, comme d’autres, redoute l’épaisseur des profondeurs fantasmant quelques monstres dévorants venant défigurer sa bonne mine.
Telle la pâte qui crée le masque : l’organe cœur, reste et restera, celui qui nous profile.
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