Voyage immobile
C‘est sous les combles d’une bâtisse que James s’asseyait sur son fauteuil : simulacre d’un trône pour penser. Au sol, chiffonnées puis roulées, les feuilles blanches étaient devenues des tapis piétinés : des paillassons où le cerveau se frotte avant d’entrer. Saoulé par les encres sèches qui ne veulent plus couler, James se mit en arrière pour se laisser doucement sombrer dans les images et associations fidèles en amitié.
C’est en écoutant la voix d’un amour de Chine que James sentit le parfum d’une âme portant une mémoire laiteuse. Emergeant en catastrophe et avec bonheur d’une étrange rêverie, il se pencha aux fenêtres où des grimaces écoutaient religieusement les brumes de quelques théories. James s’était éloigné, détourné. En un seul instant, le subterfuge d’un blaireau qu’il ne connaissait que trop avait fonctionné. Aux alentours, le rire obscène de plusieurs virilités aux allures maléfiques rebondissait en écho. Un bruit s’engouffra dans une lumière chaude où ni beauté ni joie ne peut revenir : bloqué par la barrière végétale d’un arbre rebelle qui suggère le fil d’une épée invisible plantée au cœur de celui qui se réveille. Voici le récit parcouru d’une insomnie aux paupières tremblantes – se dit James. Lui, enfermé dans une boîte d’aventures dont l’imagination, en grasse geôlière, refuse une échappée.
Le voici debout et titubant sur une route où pleuvent des petits bouts de feuilles blanches ressemblant à des confettis. Le paysage se teignit d’une faible lueur hivernale qui humidifia les papiers d’où sortent des arbres secs crayonnés. James tenta de creuser la matière pour trouver les mots, les notes, les idées mais il n’eut pour réponse qu’une boue de couleur grise : fruit des lettres qu’il avait laissé pourrir. Ainsi soit-il – se dit-il tout bas mais que faire pour m’en sortir ? C’est alors que la réponse vint d’une chaleur ardente qui d’un souffle sécha les écoulements. Se retrouvant dans un désert aride, James essayait de soulever les papiers qui, peut être, dissimulaient quelques secrets. En vain, perdu au milieu du désert : sa silhouette disparaissait. Aspiré par un vortex inconnu, une forte attraction le souleva de terre pour lui faire traverser plusieurs fenêtres. Projeté vers une ascension sans limite, la gravité commença son œuvre de poids pour le reconduire.
James se réveilla sur son fauteuil. Lui qui n’avait pas bougé d’un cil pouvait prétendre au voyage. Reluquant le sol de ses fantaisies, le réservoir de son stylo était enfin rempli.
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